Que penser de la discrète réforme 2025 du régime prévoyance ID CARMF ?

La CARMF vient de communiquer à ses cotisants au 1^er janvier 2025 une modification de son régime invalidité/décès entrant en vigueur au 1^er janvier 2025. Cette réforme « permettra une meilleure adéquation des cotisations et des prestations selon les revenus » (sic). Voici notre éclairage :

Sur la forme – Une telle réforme, substantielle, est annoncée… au dernier moment, quelques jours avant son application et de manière la plus discrète qui soit puisque chaque cotisant n’est susceptible de la découvrir qu’en page 10 des actualités du fascicule annuel « Informations de la CARMF n°72 – Décembre 2024 ». L’éditorial du nouveau Président de la CARMF pourtant intitulé « Changements et continuité » n’en fait absolument aucune mention !

Sur le fond – Que veut dire la CARMF par « meilleure adéquation des cotisations et des prestations selon les revenus » ? Jusqu’au 1^er janvier 2025, ces revenus étaient vos revenus nets d’activité indépendante de… l’avant-dernière année (en 2024, vos revenus de … 2022). Ce que le lecteur vraiment très attentif ne se voit rappelé qu’en page 38 du livret CARMF. Les différences entre ce revenu 2022 et votre BNC 2024 pouvant être criantes, les mirages de couverture financière correcte du risque le sont parfois. Dans un sens comme dans l’autre, en plus ou en moins ! La réforme ignore bien entendu tous ces « détails », tout autant que celui de l’âge du cotisant augmentant drastiquement le risque au-delà de la quarantaine…

Pour comprendre ce qui se joue avec cette réforme, voici un rappel bref sur le périmètre actuel 2024 de votre régime de prévoyance ID CARMF couvrant avant tout, en termes de probabilité de survenue, votre risque d’arrêt de travail prolongé au-delà des 90 jours de délai de carence :

(*) Les prestations CARMF IJ et de rente d’invalidité sont soumises à d’importantes variations liées à la complexité des critères de leurs calculs. Le critère le plus redoutable est une sorte de délai de stage sur plusieurs années susceptible de concerner le néo-cotisant. Voir notre Lettre Réf. P72, « Sur quoi bâtir votre prévoyance de praticien libéral affilié CARMF ? ».

En quoi consiste la réforme – La CARMF s’est enfin aperçue que la création — il y a 12 ans déjà (!) — de ces 3 classes avait « généré des effets de seuil, rendant certaines prestations parfois jugées insuffisantes ». C’est pourquoi la réforme 2025 permettra de mieux aligner les prestations CARMF (IJ longues, au-delà de 90 jours d’arrêt) sur celles de l’URSSAF et ses IJ courtes (du 4^ème au 90^ème jour d’arrêt de travail), bien plus récemment introduites en 2021 par l’assurance-maladie, et dont les cotisations sont perçues par l’URSSAF.

Ainsi la réforme CARMF offrira « des prestations IJ au-moins égales à celles offertes par les prestations IJ/AM pendant les 90 jours d’arrêt de travail ». Fort bien, mais nous aurions aimé logiquement que la CARMF vous communique son nouveau niveau des prestations IJ ainsi visé, et le coût global à long terme de la mesure. Que nenni ! La CARMF communique seulement les modifications suivantes portant sur vos cotisations 2025, qui se traduisent par une augmentation déjà significative. Hormis chez les petits revenus, pourtant déjà très favorisés par des garanties forfaitaires disproportionnées, leurs IJ Carmf de 75 €/jour dépassant très souvent leurs BNC :

1. Les nouvelles modalités de calcul de votre cotisation sont ainsi constituées de : - 1 part forfaitaire de 434 € + 1 part proportionnelle de 0,4% des revenus avec : - un forfait de 623 €/an si revenus < 47 100 € ; - un plafonnement de ce mode proportionnel à 0,4% de 141 300 € ; soit des cotisations oscillant entre 623 € et 1 188 €.

2. Selon toute probabilité, vos revenus servant d’assiette à la cotisation 2025 sont ceux de l’avant-dernière année, soit 2023.

3. Enfin, très important : ce nouveau mode de calcul des IJ/ CARMF ne sera applicable qu’aux nouveaux bénéficiaires. Et a priori, les autres prestations que les IJ CARMF devraient rester inchangées.
4. Côté prestations, en classe A et C, les IJ resteraient forfaitaires, mais la CARMF n’en communique pas les montants (75 €/jour et 150 €/jour ou plus ?). Quant en classe intermédiaire B, les IJ seraient variables, oscillant en proportion entre celles de la classe A et de la classe C.

Nos pronostics dans ce jeu de poker-menteur – Cher lecteur, vos cotisations ID CARMF augmenteront dès 2025 chez la plupart d’entre vous, et sans aucun risque de me tromper, je pronostique une issue encore plus péjorative à long terme. Car vous devriez subir un effet de ciseaux entre hausses de vos cotisations ID/IJ et stagnation de vos prestations (ce qui équivaut à une baisse chez quiconque est conscient de l’inflation). Mais avec le flou artistique des carences béantes de sa présentation par la CARMF, il est encore impossible de savoir si mieux valait bénéficier de ses IJ relookées avant ou à partir du 1^er janvier 2025. Heureusement, hormis la période d’état d’urgence du Covid, on ne choisit pas ses périodes d’arrêt de travail ! Dans l’attente de plus amples explications sur les règles de cette partie de poker-menteur, préparez-vous à payer votre CARMF dès fin février, et peut-être sans voir.

Bonus pour nos lecteurs avertis – Je reviens maintenant sur le sujet des IJ courtes de l’URSSAF (arrêt de moins de 90 jours maximum). Dans nos colonnes spécialisées, nous n’avons eu de cesse de critiquer cette nouvelle prévoyance obligatoire depuis sa création en 2021 pour deux raisons : sa mécanique complexe de cotisations, et sa finalité. En effet, en tant que médecin libéral, vous avez tout intérêt de continuer à couvrir vous-mêmes le petit risque des arrêts brefs par de l’auto-garantie financière plutôt que de vous voir « offrir » un régime de prévoyance obligatoire voué à augmenter sans cesse ses cotisations, et cela de plus en plus. Voici un rappel à ce sujet : à peine 4 ans après sa création, ce régime IJ/AM dont la création a été si fortement recommandée par la CARMF se trouve déjà en très grandes difficultés financières ! Il va donc falloir « le sauver », comme tous les autres ou presque, d’ailleurs. Ce qui passera, bien évidemment, par une augmentation massive de ses cotisations, outre son recours au déficit chronicisé.