Dans le paysage de la gestion libérale — stable depuis 32 ans —, la loi 2022-172 apporte un véritable bouleversement là où on ne l’attendait pas. Centrée sur la protection du patrimoine personnel du travail indépendant et sur la transmission de son patrimoine professionnel, ainsi que sur l’accès désormais possible à l’allocation chômage en cas de faillite, elle recèle une particularité fiscale décisive : la possibilité à partir du 15 mai 2022 de soumettre le résultat de l’entreprise individuelle à l’impôt société (IS), alors que jusqu’alors ce résultat BNC ne pouvait qu’être soumis dans son intégralité à ses divers prélèvements obligatoires (PO) : l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et les cotisations sociales obligatoires (CSO) dites personnelles.

Et cela sans avoir besoin de créer la moindre société d’exercice (SEL) : il s’agit d’un bouleversement majeur, ouvrant des opportunités inattendues à de nombreux médecins libéraux. Ainsi, tous les médecins collaborateurs libéraux et tous les médecins remplaçants — auxquels l’exercice en société était interdit par les dispositions ordinales — mais aussi tous les médecins libéraux en exercice individuel soumis aux BNC (EI/BNC) peuvent désormais modifier librement leur statut fiscal et accéder à la plus grande souplesse dans la structuration de leur rémunération. Exactement comme s’ils exerçaient en société, mais sans avoir à s’en coltiner toutes les formalités, toute la lourdeur, toute la lenteur et le coût de la création d’une société.

Désormais, en optant pour la soumission du résultat de leur entreprise individuelle à l’impôt société, ils peuvent décider librement du montant de leur rémunération annuelle, et par là-même en limiter les PO subis. Car cette rémunération devient :

1. Ou sans avantage aucun si versée sous la forme de RTI (rémunération de travailleur indépendant), car cette RTI est depuis le 1^er janvier 2023 soumise strictement aux mêmes PO que les BNC (en fiscal+social) ;

2. Ou bien moins taxée en fiscal+social quand obtenue sous la forme de dividendes, mais dont le montant distribué aura été amputé en amont de l’IS. Dont nous rappelons que son taux 2023 est de 15% pour les 42 500 € premiers euros, et de 25% au-delà.
   
   

C’est bien sûr l’issue chiffrée des retenues (PO) sur la part de votre rémunération fixée en dividendes qui conditionnera le potentiel d’optimisation fiscale et sociale de ce montage simplifié à l’extrême. Mais gare aux comparaisons trop hâtives :

1. Si vos BNC constituent les uniques revenus imposables de votre foyer fiscal, ces taux d’IS ne sont bien sûr pas directement comparables à votre TMI du barème de l’IRPP en raison de la progressivité de ce dernier (première tranche taxée à 0%, et deuxième à 11% !), d’une part ; 
2. De l’autre, la fiscalité par l’IS sous-entend comme déjà suggéré un second tour fiscal+social au moment où vous récupérez vos dividendes. C’est donc la relative modération de ce dernier par rapport au taux de PO subis en EI/BNC qui conditionnera l’indication ou pas d’opter pour l’EI-EURL/IS.

Si l’indication est retenue, toutes ces options et combinaisons possibles, librement décidées par l’entrepreneur individuel guidé par des consignes techniques de pilotage, lui ouvrent alors la voie à de plus ou moins plantureuses économies en matière de prélèvements obligatoires tous confondus sur vos revenus libéraux. Mais soyons clairs : avec plus de 35 ans de recul sur ces questions, nous estimons que réaliser des simulations fiables en la matière (et particulièrement sur vos cotisations productives de droits et optimisées, ou carrément éludées) est un art bien plus délicat qu’il n’y paraît car le niveau de finesse et de technicité requis est rarement au rendez-vous. Il en ira de même pour le pilotage et le suivi dans le temps, qui doit être serré. Ce qui est trop souvent mis en défaut même chez des conseillers dits spécialisés. N’hésitez pas à nous consulter pour les (in)valider !

Et donc en pratique, même lorsque l’indication est posée, tout sera avant tout une question :

• de particularités de votre foyer fiscal : autres revenus imposables, composition, nombre de travailleurs ;
• de niveau de vos objectifs financiers : et là, à chacun d’apprécier si l’économie estimée en vaut la chandelle ;
• de qualité des préconisations de vos conseillers spécialisés : et ô combien, selon nos observations ;
• et de motivation de votre part à les appliquer… plus ou moins fidèlement ! Ô combien encore…