Voici la question posée par un de nos lecteurs, médecin libéral de 40 ans, marié sans enfant à charge (N=2, soit deux parts fiscales) : « — parce que mon BNC (unique revenu de mon foyer fiscal) avoisinant ordinairement les 155 k€ allait augmenter de près de 30 k€ en 2022 et, devenant ainsi pour la première fois imposable selon un TMI passé à 41% [R/N 2022 = 185 000/2 = 92 500 k€ par part : ligne 4 du barème de l’IRPP], j’ai cédé à la proposition de mon assureur Madelin retraite. Il m’a conseillé de verser 45 k€ fin 2022 sur ce produit déjà ancien et ouvert, en me disant que de toute manière, je serai toujours gagnant sur le long terme à ce niveau-là de taux d’imposition. Mais en vous lisant attentivement, je suis allé un peu vite en besogne car je m’aperçois que ces 45 k€ d’investissement Madelin retraite ne seront pas totalement déductibles. Me confirmez-vous cette crainte ? »
Selon les données du barème de l’IRPP ci-dessous, je vous la confirme, et hélas à double titre étant donné que :
1/ D’une part, vous découvrez, un peu tard malheureusement, le premier piège archi-classique d’une proposition commerciale de votre assureur Madelin retraite : avoir cotisé à visée uniquement fiscale au-delà de votre propre plafond de déductibilité fiscale. Et il n’y a pas de retour en arrière possible une fois l’erreur faite d’investir en vue d’une défiscalisation qui ne sera pas au rendez-vous. Comme nous l’expliquons très en détail chaque année dans notre dossier de référence sur toutes les dépenses professionnelles déductibles (Réf. F200) la déduction annuelle de vos versements dans un tel produit est plafonnée selon la formule suivante pour 2022 : 4 113 € + [(votre BNC « plafond » 2022 - 41 136 €) x 0,25]. Le tout plafonné à 76 101 € mais… seulement si le produit de cette équation devait dépasser ce montant maximal autorisé. C’est peut-être sur une méconnaissance de ce point qu’aura pêché la juste portée de vos versements volontaires.Autre détail important : cette formule fixant votre plafond personnaliséde déduction s’applique avant précisément la déduction de vos 45 k€ versés à votre BNC. Ce dernier, dans votre cas, restant bien de 185 k€ avant imputation de cette dépense Madelin, votre plafond personnalisé de déduction admis par le fisc vaut 40 079 €. [Détail : 4 113 + [(185 000 – 41 136)] x 0,25]
Autrement dit, sur vos 45 k€ d’investissement Madelin, près de 5 k€ ne sont pas déductibles de votre résultat fiscal imposable. Ce qui sera visible sur votre futur avis d’imposition, car une fois vos 45 k€ versés, votre BNC admis au barème IRPP sera fixé à 185 000 – 40 079 = 144 921 €, et non pas aux 140 000 k€ entrevus (185 000 – 45 000). D’où une première part d’économie d’impôt évaporée, à estimer de la façon suivante :
- sans considération du plafond : IRPP = 28 495 € ; [(140 000 x 0,30) – (6 752,57 x 2)]
- avec plafond : IRPP = 29 971 €. [144 921 x 0,30) – (6 752,57 x 2)]
Soit un défaut de 1 476 € sur l’ensemble de l’économie entrevue ! Et 5 k€ d’épargne longuement bloquée sans attrait fiscal initial, ce qui représente selon nous une véritable contre-indication.
2/ Mais d’autre part, côté désillusions, ne seriez-vous pas également tombé dans le piège, tout aussi classique, du saut de tranche de défiscalisation ? Quel que soit son taux maximal d’imposition (TMI), il est nécessaire de regarder de près le barème IRPP afin de calculer quelle est votre « marge effective de défiscalisation » à ce niveau-là. A savoir, combien d’euros défiscalisés auraient été réellement frappés par votre TMI de 41% ? C’est pourtant la réalité de ce volant de défiscalisation qui conditionne l’indication de cette dernière.
Application : avec votre assureur, vous auriez dû calculer précisément ce montant à partir des 78 570 € de RI Global (le R du barème IRPP), seuil de cette tranche d’imposition dite marginale imposée à 41%. Et donc à partir du double en termes de BNC, avec N=2 et sans le moindre revenu imposable autre que vos 185 000 € de BNC avant défiscalisation. Ainsi, chez vous, il est aisé d’admettre que cette « marge effective » n’est que de 185 000 – (78 570 x 2) = 27 860 €. En défiscalisant au-delà de ce montant optimal de 27 860 € par un versement de 45 000 €, vous n’économisez plus les 41% entrevus sur le reliquat de 17 140 € [45 000 – 27 860] exclu du volant de défiscalisation visé. Bref, vous passez à côté de l’objectif pour plus d’un tiers de vos versements !
Cela étant, vous n’économiserez que les 30% d’imposition de la tranche immédiatement inférieure. Cette différence valant 17 140 x (41% – 30%), la perte d’économie entrevue sur ce seul écueil de saut de tranche de défiscalisation se serait montée à 1 885 €. Qui, additionnée à la perte 1/, entraîne un gâchis de 3 361 € en tout.
3/ Au total, vous comprenez que l’objectif entrevu d’économiser 41% sur vos 45 000 € versés, soit quelques 18 450 € d’IRPP en moins, ne sera pas au rendez-vous : environ 20% se seront déjà perdus en chemin. Et davantage encore, car ce serait sans compter la perte liée aux frais de versements en contrat Madelin retraite : ici probablement compris entre 900 et 1 500 € (1,5 à 3%), dont une bonne partie revient à… l’assureur « conseil » ! Tout cela pour aliéner ces 45 000 € dans un produit de placement « tunnel », car hermétiquement bloqué jusqu’à l’âge de la retraite, et trop souvent lourdement grevé de frais. Dont vous ne pourrez espérer constater le rendement réel que dans plus de 25 ans, après qu’il sera entièrement fiscalisé (sans doute à 30%, aussi...) à sa sortie.
Mon conseil final – Comme nous l’indiquons régulièrement dans ces colonnes, en raison de votre (trop) jeune âge, il y a beaucoup mieux à faire en matière de plan de retraite à l’âge de 40 ans dès lors que la totalité des versements n’est pas effectivement défiscalisée à 41% ou 45% vers l’entrée d’un contrat dynamique et peu chargé en frais. Si vos revenus libéraux devaient encore augmenter, et surtout en cas d’irruption de revenus imposables hors ceux de votre activité libérale (salaires de l’un des conjoints ou des deux, revenus fonciers, etc.), une étude sur l’abandon des BNC s’imposerait, que ce soit par l’assimilation à une EURL ou un vrai passage en société (SELAS). Où par exemple vos 45 k€, à être durablement bloqués, auraient cette fois pu être investis en professionnel, sésame d’excellentes perspectives à atténuer in fine bien plus intensément vos prélèvements obligatoires fiscaux ET sociaux que le simple différé d’IRPP octroyé par l’épargne retraite soi-disant défiscalisée Madelin ou PER. Et si cela doit aussi passer par une niche fiscale sur l’IRPP, lire aussi notre série de dossiers sur les petites et grandes défiscalisations professionnelles, Réf. D102 à D110
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